top of page

I love my solitude... but I'm meant to be a lover

Autorenbild: New AfroNew Afro


Une exposition présentant le travail de la talentueuse artiste franco-ivoirienne NÉO, plongeant dans le thème de la santé mentale curatée par Chéria Essieke à Kulturbäckerei e.V Mainz.




Peinture: Néo (b.2000)

Horizons Infini, 2023

Mixte media

70 x 100 cm



Sonnez l'alarme! Un texte de Chéria Essieke 


"Comment la dépression n'a jamais été une maladie africaine" : tel est le titre que le célèbre journaliste et humoriste kényan Ted Malanda a donné à un article qu'il a publié dans un journal du Kenya en 2014, peu après la mort du célèbre acteur américain Robin Williams, qui s'était suicidé. Dans cet article, Malanda affirmait que "se suicider parce qu'on souffre de dépression n'est tout simplement pas africain". Ce faisant, il nie totalement l'existence de la dépression en Afrique. Il va même jusqu'à dire que : "Je comprends qu'un homme se soit pendu parce que sa femme l'a quitté, qu'il est au chômage, que la voisine l'a ensorcelé ou qu'il a été surpris en train d'embrasser sa belle-mère. Mais se suicider à cause d'une dépression n'est tout simplement pas africain". Ainsi, pour lui, le suicide ne pourrait être compris ou "excusé" que sous certaines conditions, en fonction de la "gravité" de la raison. Cette gravité serait légitimée ou jugée par la société.


Ces pensées sont loin d’être celles d’une minorité, mais de beaucoup de personnes dans les sociétés africaines. "Le fou"… "la folle"… sont des termes fréquemment employés pour décrire les personnes souffrant de troubles mentaux. Ces personnes sont incomprises de la société, mises à l’écart, déshumanisées, laissées à leur propre sort, méprisées, parfois objets de moqueries ou de pitié.


Dans les rues de grandes villes telles que Cotonou, Abidjan ou Brazzaville, j'ai souvent été témoin de ce mépris ou de l’abandon de ces personnes par leurs sociétés ou par les systèmes en place. Par manque d’endroits où s’abriter, elles se créent un chez-soi sous les ponts, dans l’insalubrité, dans des endroits reculés, dans le noir, abandonnées, parfois sans vêtements.

Incomprises, les causes des troubles mentaux sont pour certains d’ordre mystique. Et pour argumenter cette croyance, une histoire du "tonton" ou de la "tata" du quartier est toujours présente.


Ces dernières années, l’intérêt et la nécessité de faire face au tabou, à l’ignorance et au besoin de faire lumière sur les maladies mentales se font de plus en plus sentir. Les raisons de cette prise de conscience et d’action sont multiples. Le journal français en ligne Le Monde publiait encore en 2022 des statistiques de l’OMS (l'Organisation mondiale de la santé) selon lesquelles le continent africain aurait le taux de suicide le plus élevé au monde. Cela s’expliquerait entre autres par le sous-investissement des États africains dans la prise en charge des malades et la prévention. Selon l’organisation internationale, les États africains allouent en moyenne à leur prise en charge 0,46 dollar par habitant, « bien en deçà des 2 dollars par habitant recommandés pour les pays à faible revenu » (Le Monde 2022).


En effet, malgré la prise de conscience, les maladies mentales restent néanmoins un sujet tabou dans beaucoup de sociétés africaines, tandis que les relations humaines en général font très souvent l’objet de débats, de conversations, d’intérêt. Nombreuses sont par exemple les chansons (pour ne prendre que l‘exemple de la musique) qui parlent d’amour, de fraternité et d’amitié. Cette prise de conscience, ce réveil quelque part d’une jeunesse qui pointe du doigt, qui sonne la cloche, qui vit avec ses réalités, dans son temps, décomplexée, même si parfois perdue dans un combat d’identité, passe par le médium d’expression interculturel qu’est l’ART!


C’est le cas de Néo, une artiste qui, dans sa vingtaine, observe la société dans laquelle elle vit, la questionne et se questionne elle-même. Ses caricatures peignent un état d’esprit, un état d’âme. Les couleurs vives telles que le rouge, le violet, le jaune, souvent en fond, cachent des questionnements sur les relations humaines et la relation avec soi-même. Ces questions que l’on considère souvent de moindre importance. Comme dans la série “Soutien émotionnel, 2022”, la toile "Tiens bon" est une invitation à ne pas lâcher prise et caricature la pression que la société peut parfois exercer sur nous. Les couleurs vives attirent l’attention.


Dans sa plus récente collection "I love my solitude… but I’m meant to be a lover", l’artiste fait la paix avec son environnement. Les couleurs de fond sont moins vives, plus sobres et la présence d’autres êtres vivants tels que les plantes ou le chat nous transporte dans un univers plus paisible.


Cette exposition se veut être un dialogue entre l’ancien soi et le nouveau soi. Ces caricatures nous poussent à nous poser la question de savoir si les réalités de nos sociétés, l’ignorance et nos jugements face à ceux qui, très souvent, souffrent en silence sont réellement si différents? Pourquoi avons-nous souvent du mal à reconnaître nos faiblesses? À avouer que nous avons besoin d’aide? À demander de l’aide? Quel est réellement le poids de nos cultures sur la manière dont nous percevons la santé mentale et les relations humaines? Faisons-nous réellement assez pour lutter contre la stigmatisation des problèmes mentaux?


Pendant près d'une semaine (du 20.06 au 26.06), Néo et l'équipe de New Afro ont engagé le public dans une discussion significative, favorisant des interactions qui ont rapproché les générations et encouragé la réflexion sur la santé mentale. Ce dialogue, enrichi par les échanges avec le public, nous a plongé dans le parcours de Néo, passant de la représentation de la douleur et de la dépression à embrasser la paix et la vitalité. Ensemble, nous avons exploré comment ses origines africaines ont influencé son expression artistique et abordé la stigmatisation entourant la santé mentale dans les sociétés et cultures africaines.


Nous remercions chaque personne ayant visité l'exposition ainsi que l'initiative de Kulturbäckerei e.V pour cette collaboration.


Aperçu de l'exposition :



Crédits: Photos par Maria Bayer (New Afro) 

Exposition: I love my solitude...but I'm meant to be a lover  en collaboration avec Kulturbäckerei e.V , Mayence 2024.



 
 
bottom of page